Navire-amiral de la marine nationale française, le croiseur Colbert a protégé la flotte de l’Hexagone pendant trois décennies. Entreposé depuis sept ans dans le cimetière de bateaux militaires de Landévennec, il a entamé, au début du mois de février, son dernier voyage pour être démantelé à Bordeaux. Incursion dans les entrailles rouillées du mastodonte et retour sur son histoire à l’aube de sa disparition.
Le kayak glisse sans bruit dans la nuit bretonne. À part un groupe de pêcheurs qui s’active un peu plus loin, tout est calme sur les eaux de l’Aulne. La rivière, qui serpente à travers le Finistère, se jette un peu plus loin dans la rade de Brest, mélangeant sa douceur au ressac de l’Atlantique. Assis à l’arrière du canoë, Sébastien* a compacté dans un bidon étanche tout le matériel dont il aura besoin au cours des prochaines heures: vêtements de rechange, appareil photo, batteries, lampe de secours. Ce ne sont pas les méandres de l’Aulne qui l’intéressent. Mais l’immense coque de métal qui se dessine à l’horizon. Encore quelques coups de pagaies et nous entrerons dans le cimetière de bateaux militaires de Landévennec.
Notre embarcation de plastique a l’air ridiculement petite quand nous passons sous l’énorme chaîne qui ancre le Colbert dans les profondeurs de la rivière. Les 10 000 tonnes de métal grincent dans un ultime caprice. Haut comme un édifice de six étages, long de 180 mètres, le navire de guerre devenu bateau fantôme n’a pas eu de visite depuis longtemps. Lire la suite